Doctorat

Doctorat de Psychologie Clinique & Psychopathologie (PhD)

« Le temps vécu dans la psychose »

Université Lyon II-Lumière

Directeur : Pr. Albert CICCONE, Professeur de Psychopathologie à Lyon II

Président du Jury : Pr. René ROUSSILLON, Professeur de Psychopathologie à Lyon II

Rapporteurs :

Pr. Jean Louis PEDINIELLI, Professeur de Psychopathologie à Aix-Marseille I

Pr. Françoise MELONIO, Professeur de littérature française à l’université de Paris IV- Sorbonne,

Ancienne directrice des lettres à l’Ecole normale supérieure,

Chargée de mission pour l’insertion professionnelle dans l’université Paris IV.

 

Thèse soutenue en 2007 - Félicitations du jury à l'unanimité

 

Résumé

Le temps de la psychose a souvent été associé à un temps figé. Or il semblerait que le temps de la psychose, bien qu’il n’obéisse pas au temps commun, s’inscrive dans un temps qui lui est propre. Ce temps vécu semble se retrouver dans le délire psychotique.

L’objet de cette recherche est d’analyser le « temps vécu » (Minkowski) dans la psychose.

En quoi le délire psychotique peut-il être révélateur d’un temps vécu de la psychose, et lequel est-ce ?

La réflexion, étayée sur une méthodologie qualitative fondée sur des études de cas, s’est organisée sur une épistémologie de la complexité.

Les conceptions philosophiques, phénoménologiques et psychopathologiques du temps ont été analysées, avant d’éclairer cette perspective à l’aide d’une distinction entre temporalité sociale et temporalité mythique.

La temporalité sociale organiserait le temps linéaire et mesuré qui régit la vie en société, alors que la temporalité mythique caractériserait le temps qui structure les mythes. En se fondant sur les études anthropologiques concernant le temps mythique, la question suivante est posée : que pourrait nous apprendre la temporalité mythique sur la temporalité psychotique ?

A l’appui d’une distinction conceptuelle entre temporalité sociale et temporalité mythique, se développe l’hypothèse selon laquelle la psychose serait structurée par une temporalité mythique, aux antipodes de la temporalité sociale. Il y aurait ainsi deux modalités opposées de la temporalité mythique, fondées sur une même rythmicité circulaire : la temporalité mythique sacrée et la temporalité mythique maudite.

La structuration temporelle du délire psychotique relèverait de la temporalité mythique sacrée, dans une tentative de lutte contre la temporalité mythique maudite. Dans une troisième partie, la question de la subjectivation temporelle est posée, au travers de l’apprentissage des rythmes dans l’organisation psychique (temps du bébé et temps de la psychose), des rapports entre le temps et l’espace, du deuil et de la mélancolie, du transgénérationnel et de l’intersubjectivité, notamment dans les relations entre clinicien, institution et patient.

 

Par la suite, une métapsychologie du temps vécu est proposée, afin de mettre en évidence la crise psychique et l’événement temporel, la continuité (temps de la symbolisation) et la rupture psychiques. L’hypothèse freudienne de l’atemporalité de l’inconscient est invalidée, et le rôle du délire comme organisateur d’un temps vécu et de la mémoire est explicité.

Le délire révèle donc le temps vécu de la psychose, mais tente de faire œuvre de réparation, par rapport aux discontinuités laissées dans l’identité narrative. Il comporte donc bien cette double représentation du temps : d’un côté un temps chaotique, celui du déluge, et de l’autre l’expérience délirante qui tente d’intégrer cette expérience du chaos dans des rythmes et de la sacralité (par exemple, conscience d’immortalité), et d’opérer une cicatrisation mémorielle avec construction d’une histoire identitaire (origine, filiation…).

 

Un cinquième temps est consacré au temps de la narration et à l’identité narrative comme vecteur d’autohistorisation. Sont abordés des phénomènes temporels inscrits dans le délire psychotique, tels que l’hyperdatation. La psychose manifeste en effet une appréhension singulière du temps, qui se caractérise dans une difficulté à inscrire une temporalité propre au récit, notamment dans des phénomènes d’absence de datation ou de datation à outrance.

 

La sixième partie indique des perspectives thérapeutiques se fondant sur la dimension temporelle : cadre soignant, rencontre entre le clinicien et le patient, anticipation et autobiographie, créativité psychique. Le temps vécu de chaque psychose oriente des perspectives différentes de création artistique.

 

En conclusion, cette recherche valide les hypothèses suivantes :

  • Hypothèse 1 : La structuration temporelle du délire serait révélatrice du fond organisationnel de tout psychisme.
  • Hypothèse 2 : Le temps existe dans la psychose.
  • Hypothèse 3 : L’inconscient est temporel.
  • Hypothèse 4 : Il n’existe qu’un inconscient et pas un inconscient psychotique en particulier
  • Hypothèse 5 : La mise en récit, même dans le délire, témoigne du temps vécu et fonde l’accès à une identité.
  • Hypothèse 6 : Le travail sur le temps vécu offre des perspectives thérapeutiques essentielles.

 

En réponse à la problématique, il est apparu que le temps du délire est révélateur de la primo-organisation temporelle du psychisme, et de l’inconscient. Dans le délire psychotique, le temps est une sensation (temps plaisir/temps déplaisir), mais aussi une perception, celle de l’attente et de la satisfaction de l’attente, donc celle du rythme. Sa représentation est circulaire, dans une spirale organisatrice de chaos, soit de façon répétitive et fermée (temps de Sisyphe) soit de façon ouverte (temps sacré : possibilité de rédemption). Dans le langage du délire, le temps vécu se manifeste par une rythmicité des mots, mais aussi des représentations telles que le chaos ou l’infini.

Vous pouvez vous procurer la Thèse de Doctorat d'Ariane Bilheran, disponible en librairie ou sur le web. 

Bilheran, A. 2010. Le temps vécu dans la psychose, Approche phénoménologie et psychanalytique du temps dans le délire psychotique, Editions Universitaires Européennes.