Thérapies : gare aux dérives !

19/06/2014 13:33

Thérapies en développement personnel : gare aux dérives !

 

La manipulation œuvrant dans la vie psychique, son terrain de prédilection concernera plus particulièrement les domaines consacrés à la vie psychique.

C’est d’ailleurs à l’endroit du développement personnel et spirituel que pourront se rencontrer en abondance sectes, gourous et autres prédicateurs.

Car le développement personnel est aussi une promesse de bonheur, promesse qui déploie toute sa séduction en période de crise.

Á l’heure actuelle où les consciences semblent s’ouvrir sur de nouveaux horizons de la vie psychique (vies antérieures etc.), il paraît essentiel d’alerter sur les dangers de la manipulation et de l’emprise en matière de thérapie.

 

Qu’est-ce qu’une dérive ? En quoi cela peut-il être dangereux ?

Pourquoi alerter sur les dérives en matière de thérapie ?

De plus en plus de personnes s’improvisent thérapeutes et sont dangereuses par ignorance, inconscience ou prétention.

Elles ignorent tout des lois de la vie psychique et de son fonctionnement, n’ont aucune connaissance en psychologie, n’ont pas travaillé sur elles non plus. En revanche, elles ont la prétention de « soigner », « guérir » autrui… et là réside, bien sûr, le danger.

 

Dans le champ du développement spirituel, peut-être encore plus qu’ailleurs, nous observons une recrudescence de maltraitances, d’abus divers et variés (jusqu’aux abus sexuels), à l’encontre des patients, dont certains reviennent détruits par des expériences transgressives et des gourous modernes qui s’improvisent thérapeutes. Certaines personnes reviennent d’autant plus traumatisées qu’elles avaient misé sur une guérison miraculeuse et donné toute leur confiance au supposé thérapeute. D’autres personnes peuvent décompenser de façon délirante suite à des expériences « hors limites ».

 

Pourquoi est-ce que l’on retrouve plus de dérives dans le développement personnel/spirituel qu’ailleurs ?

Pour plusieurs raisons.

Les risques de dérives sont majorés en développement personnel et dans la spiritualité car ce sont des domaines qui exercent une véritable séduction, voire une fascination, en raison de la promesse de bonheur et de l’attrait pour « le mystère », l’inexpliqué, le secret.

 

Les personnes s’y rendent donc souvent en étant très vulnérables, et en croyant que le thérapeute « saura » des choses qu’elles ignorent. De plus, ce sont souvent des personnes qui ont été déçues par d’autres formes de thérapies (ou thérapeutes), qui se sont révélées insuffisantes d'après leur expérience, donc elles attendent beaucoup du développement personnel et spirituel, et souvent attendent des réponses miraculeuses.

 

En outre, les données sont invérifiables.

Comment vérifier ce qui relève de ce que l’on appelle « vies antérieures » ?

Comment vérifier des « visions » ?

Comment vérifier telle théorie sur les âmes sœurs, dans l’éther etc. ?

 

Il existe un vrai « business » fondé sur l’ignorance, et c’est la raison pour laquelle nous voyons régulièrement fleurir de nombreuses théories invérifiables, qui prétendent tout expliquer des lois de la nature et du monde.

En la matière, il me semble que la sagesse des Grecs Anciens et des anciennes mythologies sacrées est beaucoup plus fiable que les « révélations » vécues par tel ou tel gourou se prétendant l’émissaire ou la réincarnation de telle ou telle divinité.

 

Quelle est la différence entre psychologue, psychiatre, psychanalyste, psychothérapeute, psychopraticien etc. ? 

Qui faut choisir en particulier ?

Pour le résumer simplement :

Psychologue clinicien et psychiatre sont les deux professions habilitées par l’État en matière de santé mentale et de suivis psychothérapeutiques. Elles n’ont pourtant plus grand-chose à voir, en ce sens où les psychiatres d'aujourd'hui sont formés à la thérapie médicamenteuse, et les psychologues cliniciens à la psychopathologie.

Psychanalyste est l'une des orientations possibles de la pratique.

Psychothérapeute est un titre qui vient à peine d’être réglementé, et nécessite d’avoir suivi un minimum d'enseignement en psychopathologie.

Psychopraticien ou autre : ce ne sont pas des titres reconnus et aucune connaissance n’a été acquise par les voies légales.

 

Le diplôme ne fait pas tout ! L’on peut être psychiatre et n’avoir jamais travaillé sur soi, tandis qu’un thérapeute non diplômé peut avoir été un chercheur en connaissances psychologiques et avoir beaucoup travaillé sur lui-même.

 

Le diplôme ne fait pas tout mais tout de même… Que penser d’un thérapeute qui ne se forme jamais en psychopathologie ? Qui ne connaît rien aux mécanismes de défense, au fonctionnement de la vie psychique, à la maladie mentale ? Est-ce un gage d’intégrité professionnelle ?

 

Le savoir acquis, s’il est un outil indispensable, n’est pas suffisant, car il s’agit aussi d’un travail sur soi, c’est-à-dire de la connaissance intime du fonctionnement de sa propre vie psychique et ce, pour plusieurs raisons :

1° Nettoyer ses propres écuries avant d’attendre d’autrui qu’il ne nettoie les siennes : gage d’intégrité (charité bien ordonnée commençant... par soi-même)

2° La connaissance de la vie psychique doit se faire aussi de l’intérieur, par l’introspection. Chacun est porteur de l’humaine condition, aussi se familiariser avec sa propre vie psychique est un outil extraordinaire de connaissance de soi et d’autrui

3° Apprendre à connaître sa vie psychique permet d’éviter d’attribuer à autrui ce qui relève de sa propre problématique, et à ne pas projeter que ce qui est bon pour soi est bon pour l’autre, ou que ce qui est dur pour soi est dur pour l’autre etc.

 

Néanmoins, le titre assure un cadre légal d’intervention. Cela ne signifie pas qu’il sera nécessairement respecté mais ce cadre à tout le moins… existe. Par exemple, en matière de secret professionnel, psychiatres et psychologues seront régis par le Code Pénal. Cela pose un cadre dans l’exercice de la profession. De plus, ils doivent respecter des règles déontologiques, qui sont autant de barrières posées qui protègent le patient.

Parmi ces règles, il y a celle de ne pas être juge ni partie, mais aussi de ne pas nuire. Dans le doute, ne pas nuire ! Si seulement tous les thérapeutes tentaient de s’astreindre à cette règle… Il y a aussi la règle de respecter la demande du patient, de ne pas le contraindre ni lui faire violence.

 

Cadre d’intervention thérapeutique, acquisition d’un savoir en psychopathologie, travail intime sur sa propre vie psychique sont les jalons incontournables d’un minimum d’intégrité professionnelle, étant entendu que ces trois points ne sont pas statiques mais dynamiques : le respect du cadre doit toujours être un souci actuel du thérapeute, de même que sa formation en psychopathologie doit se poursuivre de façon régulière afin qu’il apprenne sans cesse encore sur les mystères de la vie psychique, et que le travail sur soi s’approfondisse régulièrement. Si l’on stagne, l’on régresse. C’est la raison pour laquelle le thérapeute s’interrogera aussi de façon régulière sur sa pratique, au travers d’une supervision et/ou d’une intervision avec des collègues, afin de pouvoir prendre du recul sur ses premiers mouvements contre-transférentiels.

 

Le thérapeute doit travailler sans cesse la question du pouvoir. Il est clair que la relation thérapeutique est une relation asymétrique, car le thérapeute connaît la vie psychique, a un savoir en psychopathologie, tandis que le patient est souvent ignorant des lois de la vie psychique, qu’il est en position vulnérable car en souffrance et en demande d’aide vis-à-vis du thérapeute. Cette asymétrie est renforcée par les rôles : il y a le thérapeute qui voit/entend et le patient qui donne à voir/entendre. Tout cela entraîne un risque de perversion dans la profession de thérapeute, c’est-à-dire d’abus de pouvoir. Il y a le thérapeute qui croit qu’il sait mieux pour son patient ce qui est bon pour lui (maltraitance au travers du complexe du « Sauveur »). Il y a celui qui va abuser de la vulnérabilité de son patient, de différentes façons. Il y a celui qui va répondre aux fantasmes de son patient par une inscription dans le réel qui sera extrêmement destructrice (exemple des thérapeutes qui ont des relations sexuelles avec leurs patients, et confondent par là-même la séduction infantile fantasmée exercée par le patient dans le transfert et une demande réelle de sexualité génitale adulte).

 

La connaissance des mécanismes transférentiels et contre-transférentiels est indispensable au thérapeute. Celui qui les ignore devient maltraitant. Par exemple, j’ai plusieurs fois accueilli des patients en détresse qui avaient fait un transfert érotique très puissant sur leur précédent thérapeute (PS : ce transfert érotique interroge l’existence d’abus sexuels infantiles, mais ceci fera l’objet d’un autre article), et avaient été déboutés par celui-ci au motif qu’il « ne travaille pas avec le transfert », c’est-à-dire qu’il nie la souffrance psychique qui est celle du patient à cet endroit-là, preuve de son incompétence ! Ne parlons même pas de ceux qui le prennent pour argent comptant… et abusent ce faisant de leur autorité, ce qui est passible de condamnations pénales.

 

Qu’est-ce qu’un travail sur soi ?

Mais revenons au cœur du sujet… Qu’est-ce qu’un travail sur soi ?

Je dirais volontiers qu’il s’agit d’une initiation, c’est-à-dire d’une plongée dans la vie psychique qui nécessite verticalité, durée et profondeur.

 

La discipline, la régularité et le travail valent aussi en matière de thérapie. Cela consiste à se poser des questions sur soi, à apprendre à se poser les bonnes questions, à plonger dans l’introspection, à chercher les réponses au fond de soi, dans sa vie intérieure, sans les attendre nécessairement de l’autre, de l’extérieur.

 

Il y a des personnes qui font un excellent travail d’introspection par l’écriture par exemple, sans forcément aller voir des thérapeutes. Á l’inverse, il en existe beaucoup qui s’exonèrent d’un travail sur elles parce qu’elles vont voir un thérapeute, et le lecteur saura apprécier un tel paradoxe !

 

L’introspection, comme tout travail, suppose des efforts, une contrainte, une souffrance parfois. Elle nécessite de se confronter à sa part d’ombre, d’apprendre à s’ouvrir à ses émotions, à son inconscient, à laisser circuler ses rêves, à analyser ses mouvements internes, à les appréhender. Cela implique de porter son attention sur sa vie intérieure, de façon quotidienne, et à l’analyser.

 

Ceux qui s’improvisent thérapeutes au terme de cinq séances d’hypnose par exemple méprisent considérablement la vie psychique. 

De même que la pratique de la méditation, très à la mode en ce moment, ne saurait s'appliquer à tous, et le thérapeute qui la pratiquerait, sans formation en psychopathologie, à des patients à tendance schizophrène, pourrait bien les faire décompenser sur un mode délirant!

Ces pseudo-thérapeutes n’ont pas conscience de la valeur de la vie psychique car tout simplement, ils n’ont pas fait l’effort de la rencontrer. Il n’y a pas de miracle en la matière. On ne devient pas pianiste professionnel sans faire de gammes, sans lutter des heures, des mois, des années, sur des exercices qui peuvent être difficiles, ardus, qui demandent de la concentration, de l’effort, une certaine souffrance aussi. Il en est de même pour la vie psychique ! Devenir thérapeute ne saurait s’improviser, et le travail sur soi revêt bien cette valeur. D’ailleurs, les gens qui ont beaucoup travaillé sur eux-mêmes se reconnaissent, sans le revendiquer. Ceux qui claironnent leur « avancée » sont plus ignorants encore que les ignorants ! En ce sens il y a une hiérarchie, de ceux qui ont travaillé sur eux vis-à-vis des autres. Ils se reconnaissent et ont acquis en humilité. Ils n’ont rien à voir avec ceux qui diront « j’ai terminé ma psychanalyse », pour s’exonérer de toute remise en question. Lorsque l’on travaille sur soi, cela devient infini. C’est bien qu’il existe des indicateurs de l’ouverture psychique, des marqueurs de la connaissance de la vie psychique, que l’ignorant ne connaît pas. Et fort heureusement ! Car cela signifie que le chemin de l’introspection a de la valeur, et que sa valeur est celle de l’initiation.

 

Le travail sur soi nécessite humilité, patience, et parfois, abnégation. Il implique la confrontation à son ombre - par exemple à ses pulsions destructrices, à la dépression, etc. -, la recherche de sens, la création de liens identitaires avec son histoire de vie, la prise de conscience de ses schémas de fonctionnement, de ses limites, de ses répétitions traumatiques, etc.

 

En la matière, il vaut mieux faire un petit travail sur soi, avec humilité et prudence plutôt que de foncer tête baissée dans « l’hypnose spirituelle » ou des mirages en développement personnel, dont on ressortira avec la tête… brûlée. Le « bon sens » indique toujours la bonne direction.

 

Le but de la psychothérapie, en tant que « soin de l’âme » (il est souvent nécessaire de rappeler cette étymologie !) est que le patient s’autonomise dans ses choix, qu’il sache repérer seul ce qui est bon pour lui, qu’il ait appris à repérer ses zones de vulnérabilité, ses souffrances et à les cicatriser. Le psychisme a des règles, un fonctionnement, et demeure une zone mystérieuse à appréhender. 

 

En somme, la connaissance de la vie psychique suppose un travail et comme tout travail il faut y consacrer du temps, apprendre le fonctionnement, être humble, ne pas brûler les étapes etc. On ne devient pas thérapeute en 5 séances et on n’est pas « guéri » en 5 séances. C’est de l’illusion. Ou alors il faut savoir de quoi l’on se dit guéri. De nos jours, on a aboli le critère de la durée. Or le temps est le gage de l’approfondissement. Bien sûr il y a des gens qui restent en thérapie des années sans avoir avancé et là résident un problème dans la nature du travail, le choix du thérapeute etc. Mais ils ne sont pas légions non plus.

 

De plus, beaucoup s’exonèrent souvent d’un travail sur le sens. Le travail de la vie psychique est un travail de mise en lien, d’historicisation, de sens. L’affirmation que l’on fasse fi de l’histoire personnelle pour se comprendre me paraît particulièrement stupide. L’identité est bien le produit d’une histoire et c’est dans la recherche de son histoire personnelle que l’on trouvera des réponses, des liens, des prises de conscience. Là encore, il existe une méconnaissance profonde de la vie psychique. 

Le « papillonnage » en développement personnel, comme je l’appelle, est une fuite de son introspection. Les personnes se revendiquent d’avoir pratiqué telle technique, rencontré tel thérapeute etc. Dans le même temps, elles sont souvent parfaitement ignorantes de leurs problématiques psychiques, de leurs répétitions, des schémas de l’histoire familiale. Parfois, le contraste entre tout ce qui a été fait en développement personnel et leur niveau de conscience sur elles-mêmes est stupéfiant. La plupart des gens qui « papillonnent » en développement personnel continuent de souffrir et de nier l’origine de leurs souffrances.

 

L’ère de la consommation, y compris thérapeutique, exonère l'individu d’aller chercher au fond des choses, ce qui l'enferme au lieu de le libérer, avec pourtant une illusion de libération qui ne leurre qu’un temps. La guérison n’est jamais miraculeuse ni extérieure.

 

Le but de notre vie est-il vraiment le bonheur, comme on nous le "vend" au sens propre, depuis des années? Pour les Grecs Anciens, il résidait dans la vertu, c’est-à-dire le travail sur la conscience, et la conscience de soi. Socrate exhortait à travailler sur la vertu dans cette vie, car cela serait bénéfique pour cette vie-ci, et s’il existait des vies ultérieures, ce travail serait déjà acquis. Il convient de travailler à ce que l’on sème, à la qualité de ce que l’on sème et à la nature de ce que l’on sème. Se connaître soi-même implique une humilité face au mystère, et justement, un respect des lois sacrées de la vie que l’on ne cherchera pas, à tout prix, à violer ni transgresser.

 

Comment faire pour repérer les pseudo-thérapeutes, les manipulateurs, les pervers ?

Concernant le repérage des pseudo-thérapeutes vrais manipulateurs, je donne des outils dans mon livre Manipulation. La repérer, s’en protéger (2013).

 

Par exemple, et le développement personnel regorge de pseudo-thérapeutes qui ont des fonctionnements pathologiques ou pervers. Parlons de la projection. Elle consiste à attribuer à autrui son propre désir, à leur faire parler à notre place. J’entendais l’autre jour une émission sur la communication animale. La personne, qui revendiquait parler avec les animaux, invoquait leur désir d’être sacrifiés pour être mangés, certains se réincarnant même juste pour cela ! L’animal ne pouvait répondre, il est facile de lui attribuer une intention, surtout pour justifier la pulsion que l’on ne supporte guère en soi-même, celle de manger l’animal alors qu’on prétend communiquer avec lui et le respecter. Ce mécanisme est très utilisé par les pédocriminels et les pervers pour dire que la victime était consentante pour se faire agresser...

 

Un autre mécanisme est très utilisé par les pseudo-thérapeutes, et aisément reconnaissable. Il s’agit de l’interprétation sauvage. En développement spirituel, elle est d’autant plus aisée que le champ est invérifiable : « vous avez un problème d’asthme car dans une vie antérieure, au XIIème siècle, vous avez brûlé des gens du temps de l’Inquisition », « votre phobie des trains vient de votre vécu dans la déportation »... Cette interprétation est un mécanisme que l’on retrouve dans le délire, de même que la projection, et, prononcée par un thérapeute à qui l’on attribue un savoir, elle peut se révéler très déstabilisante pour un patient vulnérable. 

Dans la « vraie » thérapie, celle qui accompagne le travail d’introspection, c’est au patient de trouver « sa » vérité, sa mémoire... Le thérapeute est un guide, qui peut faire des hypothèses, des suggestions, qui accompagne, mais ce n’est pas un gourou ni un parent autoritaire. Il y a autonomisation progressive du patient par l’introspection.

 

Les critères du thérapeute-charlatan

Pour repérer assurément le thérapeute-charlatan, sachez qu’il présente au moins trois des dix critères suivants…

1. L’arrogance

2. La démarche « commerciale » outrancière

3. La prétention de tout soigner en quelques séances et la solution « miracle » à tous vos problèmes

4. Des vérités et/ou des jugements assénés sans arguments ni explication

5. L’imposition du traitement (il décide à votre place au lieu de vous conseiller et de vous associer à ses décisions)

6. La contrainte sur votre comportement (il vous impose un comportement dans votre vie)

7. Les décisions qui interfèrent dans votre vie (il prend des décisions pour vous dans votre vie)

8. La conservation du savoir (il ne vous donne jamais des outils de compréhension de votre fonctionnement psychique et ne partage pas ses connaissances avec pédagogie)

9. L’utilisation de techniques et outils thérapeutiques sans la formation adéquate

10. L’utilisation de techniques d’assujettissement et de soumission mentale (présentées dans mon livre Manipulation. La repérer, s’en protéger).

Méfiez-vous si vous identifiez l’un de ces comportements, et surtout, que ce comportement se répète… Et si vous avez trop de doutes, partez en courant !

 

L’apprenti-thérapeute utilise des techniques sans les maîtriser.

En ce sens, il est dangereux sans le savoir, par ignorance des effets de ces techniques. C’est ainsi que l’on peut entendre certains pseudo-thérapeutes assurer la prise en charge du traumatisme en 10 séances, alors qu’ils ne connaissent pas un traître mot de ce qu’est le processus traumatique, et qu’ils ignorent la violence qui consiste à réactiver un traumatisme sans avoir les outils pour apaiser le patient ou l’aider à cicatriser cette mémoire. L’apprenti-thérapeute est dangereux par son charlatanisme. Ainsi en est-il des personnes qui s’improvisent « psys », y compris dans la vie quotidienne avec les proches. Le vrai « psy » n’est jamais « psy » dans sa vie privée car il sait bien que la première condition déontologique qui permet l’efficacité du travail est de ne pas être juge ni partie prenante dans la bataille.

 

Le bon thérapeute ne vise pas la soumission ni la dépendance de ses patients. Il a pour objectif que la thérapie soit une aide à une autonomisation psychique croissante. Il vise à délivrer le patient des traumatismes qui l’enferment, des croyances qui l’emprisonnent et l’empêchent de devenir qui il est vraiment, en harmonie avec ses besoins émotionnels, intellectuels et spirituels.

Il sait que le transfert du patient à son thérapeute (projection de sentiments infantiles, posture infantile vis-à-vis du thérapeute) est un outil de la thérapie (restauration des liens affectifs altérés dans l’enfance) mais qu’il n’en est pas le but.

Il n’abuse jamais de la vulnérabilité de son patient, et l’accueille avec cœur, compréhension et bienveillance.

Être thérapeute n’est pas seulement un métier. C’est une compétence dans l’écoute de qualité. Savoir écouter et accompagner avec bienveillance et sans jugement n’est pas une compétence universellement répandue, loin de là.

Apprenez à identifier cette compétence, et à ne pas être l’esclave d’un diplôme, d’une réputation, d’un titre, d’une mode, qui sont loin d’être suffisants.

 

Pourquoi devient-on thérapeute ? Quelqu’un de « normal » a-t-il vraiment envie d’être thérapeute ?

Tout le monde ne devient pas thérapeute. Le devenir thérapeute n’est jamais dû au hasard, et d’un certain point de vue, un être humain « normal » ne se destinerait pas nécessairement à soulager la souffrance d’autrui.

Tout thérapeute digne de ce nom doit interroger sa motivation profonde à soigner la souffrance d’autrui.

C’est rarement le cas !

Dans la catégorie des thérapeutes, vous trouverez :

1° ceux qui veulent sauver les autres car ils ne se sont pas sauvés eux-mêmes (très égocentrique, c'est le « sauveur », qui devient rapidement "persécuteur")

2° ceux qui veulent exercer un pouvoir, une emprise sur des personnes vulnérables

3° ceux qui veulent aider autrui, en ayant suffisamment travaillé sur soi, avec bienveillance et sans jouer d’un pouvoir quelconque.

 

Attention aux motivations de ceux qui s’improvisent thérapeutes, et en particulier de ceux qui s’improvisent sans s’être donné les moyens de l’être... ! 

Rappelons-le, parmi ces moyens, trois nous paraissent importants sinon essentiels, compte-tenu de la responsabilité que représente la fonction de thérapeute : un travail toujours plus approfondi sur soi (un thérapeute ne doit jamais cesser de travailler sur lui-même, c’est son outil de perfectionnement dans son travail), la recherche de différents outils thérapeutiques (la formation incessante du thérapeute, sa quête de différentes façons de soigner, sa fuite du dogmatisme ou du rejet sectaire de tel ou tel outil au nom d’un pseudo « scientisme »), la confrontation à la folie (stages en psychiatrie…) et au délire comme horizon possible du psychisme souffrant.

 

Un thérapeute ne pourra vous aider que dans la mesure et jusqu’où il se sera aidé lui-même. L’âge est très loin d’être un critère nécessaire et suffisant d’expérience. Les diplômes offrent quelques garanties de sérieux, mais ne garantissent pas des tentations d’emprise.

 

Sur les régressions dans les vies antérieures, y a-t-il un risque de dérive là plus fort qu’ailleurs ?

Les régressions dans les vies antérieures ou "hypnose spirituelle" sont en vogue actuellement.

Il serait bon de rappeler un principe de base : nous ignorons absolument si ce qui se produit dans les « régressions » en hypnose spirituelle relève d’une « vie antérieure ». Cette étiquette est apposée a posteriori. Il serait plus juste de dire qu’il s’agit d’une production de l’inconscient qui mérite d’être travaillée comme telle. 

La théorie des vies antérieures se complique davantage, lorsque beaucoup se prétendent la réincarnation des Esséniens, de Jésus Christ, de Marie-Madeleine etc. !

Il est plus sage, à mon sens, de parler de créations psychiques inconscientes, qui puisent dans l’inconscient individuel et collectif, et en ce sens comportent des dimensions et un contenu symbolique à analyser.

 

Il y a trois questions à se poser s’agissant des régressions :

1° Question du motif (pourquoi on y va)

2° Question de la méthode (le chemin pour y aller)

3° Question du but (ce qu’on y cherche)

 

1° Sur la première question, la question du motif.

C’est là que les motifs ne sont souvent pas nobles.

Très souvent l’on y va :

  • par voyeurisme (curiosité malsaine d’ouvrir la boîte des secrets, des secrets qui nous sont interdits) 

= violation des lois du karma, transgression, mécanisme pervers

Il y a une transgression de l’oubli, qui fait partie des lois du karma, si l'on pose l'hypothèse de l'existence des vies antérieures. Cet oubli, d'essence divine, n'a pas a être transgressé. Certains privilégiés se souviennent (donc Pythagore, qui disait se souvenir de ses vies antérieures), la plupart ont tout oublié, et l'on doit respecter ces lois sacrées du mystère.

  • par effet de mode 

= ignorance

  • pour trouver une cause à son mal-être qui serait extérieure à soi (dans une vie passée etc.). Ce faisant on s’exonère de toute l’introspection et la remise en question qui sont nécessaires 

= fuite et évitement

  • pour s’inventer un « destin antérieur » (sacré oxymore !)

= combler ainsi ses failles narcissiques

  • pour des raisons thérapeutiques 

= sortir de sa souffrance

Il y a quelque chose d’intéressant à cet endroit. Mais attention : pourquoi des raisons thérapeutiques ? Cela signifierait que l’origine de sa souffrance serait dans un passé antérieur et que l’on souhaite la soigner. C'est possible mais ne concerne pas nécessairement la majorité des êtres. Cela peut même donner l'illusion qu'il y aurait un traumatisme à l'origine de tout qui, une fois guéri, serait la solution à tous les problèmes. Voilà encore une méconnaissance fondamentale de la vie psychique !

 

Le seul intérêt d’une régression c’est de travailler la matière psychique qui se dégage à ce moment-là, quel que soit son statut qui n’est qu’hypothétique (mémoire transgénérationnelle, vie antérieure etc.), c’est-à-dire les schémas inconscients. Le schéma qui va ressortir est en lien avec ce que l’on active dans sa vie, car c’est une forme de « programme » informatique que l’on porte en soi. Dans la régression, ce programme se présente sous la forme d’une histoire que l'on revit "en direct". C'est l'occasion de se soigner comme de se détruire davantage, d'où la nécessité d'être vraiment solide psychologiquement.

 

Plusieurs soucis se posent néanmoins :

  • lorsqu’on n’a aucun souvenir

Il y a là la question de l’amnésie traumatique.

L’amnésie traumatique (cf. les travaux de Muriel Salmona) est une protection psychique contre le souvenir du traumatisme, vécu comme atroce. Par exemple, une personne violée dans son enfance n’en aura pas nécessairement le souvenir.

Un bon connaisseur de la vie psychique sait qu’il doit respecter les protections et les défenses que se met le psychisme de la personne pour pouvoir faire face à une représentation insupportable et continuer à vivre après le traumatisme.

Généralement, la mémoire se réactive au fur et à mesure d’une thérapie longue avec introspection, au travers de réminiscences (flashs), de rêves etc. Il est impératif de respecter cette temporalité, car ce sera au rythme de la vie psychique de la personne et selon son choix de travailler sur elle.

Dans l’hypnose, il y a la suggestion, qui est une forme de guidage, lequel doit être très subtil car l’hypnose est un outil très puissant, à ne pas mettre entre toutes les mains. C'est la raison pour laquelle les formations professionnalisantes en hypnose nécessitent un minimum de diplômes et de connaissances en psychopathologie.

L’état modifié de conscience rend la personne malléable et vulnérable, il faut donc un thérapeute très respectueux. 

Certaines barrières de l’amnésie traumatique chez le patient peuvent être franchies au travers de l’hypnose, lorsqu'elle est pratiquée par des inconscients et des incompétents. C’est une violation du psychisme de la personne, car là encore, ce n’est pas elle qui fait le chemin, par le travail d’introspection, de lever ces barrières qui l’ont protégée du souvenir insupportable du traumatisme, mais c’est le thérapeute qui lui intime de le faire. C’est très différent. C’est une violation d’autant plus grande qu’on fait croire à la personne que le souvenir va régler son problème, ce qui est faux. 

En ce sens, je crois qu’il est nécessaire de distinguer les personnes qui ont des flashs, beaucoup de visions et de réminiscences, et celles qui n’en ont pas. Pour la première catégorie, l’hypnose (avec des thérapeutes compétents) peut être un outil pour mettre en ordre cette mémoire traumatique, pour la seconde catégorie, je la déconseille fortement.

Ce que je dis est valable dans toutes les formes d’hypnose mais dans les régressions il y a des dangers supplémentaires.

  • la compétence du thérapeute qui fait les régressions

La quasi majorité n’est pas formée au traumatisme. C’est-à-dire qu’en cas de réminiscence d’une mémoire traumatique, ils sont incapables de la gérer. J’ai plusieurs exemples graves de patients laissés en état suicidaire, traumatique, délirant, sans qu’aucun travail ne soit fait au cours de l’état modifié de conscience. Une régression peut laisser le psychisme du patient "ouvert" en plein traumatisme, sans lui apporter un minimum de réconfort ni refermer a minima la blessure. C'est extrêmement dangereux car cela peut entraîner rapidement des risques suicidaires.

3° la confusion réel/imaginaire liée à l’état modifié de conscience

Il faut être très solide pour gérer cela. Cela peut être très violent, très agressant, très déstabilisant.

En état modifié de conscience, le patient peut vivre la scène comme s'il y était... et ne pas parvenir à "revenir" de la scène... D'où la nécessité d'être un thérapeute aguerri pour pratiquer l'hypnose, et de ne pas la pratiquer n'impore comment, n'importe quand et sans considération de la vulnérabilité du patient.

Aujourd'hui il existe parfois une passivité des patients hypnotisés, qui attendent que l’histoire révélée règle le problème à notre place, au lieu de travailler sur le contenu inconscient.

Le programme est le même. On peut travailler sans les régressions sur le programme, ce programme d'être au monde qui s’active en permanence. Sauf qu’en état modifié de conscience, le programme peut se révéler dans toute sa violence ingérable pour le psychisme.

Par exemple, une personne incestée dans l’enfance porte en elle le programme, donc elle porte l’agressé comme l’agresseur dans le programme psychique. En régression, elle risque de faire ressortir une mémoire d’agresseur sexuel. Comment va-t-elle le vivre ? La régression durera un temps limité, et si le thérapeute est incompétent,  la personne rentrera chez elle avec ce nouveau programme, ce « traumatisme à ciel ouvert ». C’est terrifiant.

En ce sens, je crois qu’il n’est pas prioritaire d’aller faire des régressions, car auparavant il y a toutes les gammes de la vie psychique à apprendre, ce travail d’introspection dont beaucoup s’exonèrent à l’heure actuelle.

Je rappellerai que le développement spirituel correctement guidé nécessite absolument de garder les pieds sur terre, ce que l’on retrouve dans le terme « humilité », qui est d’être bien près du sol. C’est parce qu’on a les pieds sur terre que l’élévation spirituelle pourra se faire. Si on commence à planer à tous les étages, on risque bien de ne jamais revenir des sphères de la décompensation et du délire.

 

2° Sur la question de la méthode (le chemin pour y aller)

Ce n’est pas l’outil (l’hypnose) le problème, c’est son utilisation, par qui, pour qui et pourquoi.

 

3° Sur la question du but (ce que l’on y cherche)

On ne peut y chercher qu’une libération. Il y a déjà fort à comprendre dans cette vie. L’explication n’est pas hors de nous, dans une consommation en développement personnel/spirituel, mais en nous. L’important c’est d’avancer dans cette vie, d’avoir des prises de conscience, de ne plus répéter les mêmes schémas.

Aujourd’hui, il existe un véritable business exercé sur la fascination des gens. Les lois du karma sont des lois sacrées. On ne fait pas du business sur des lois sacrées, sur le mystère de la vie et de la création.

De plus il y a des interprétations perverses du karma : si l’on vit cela, ce serait parce qu'on aurait soi-même, et il n'y aurait donc rien d'autre à faire qu'à subir… Cette culpabilisation est subtile. Comme la traditionnelle culpabilisation: si elle s’est fait violer, c’est qu’elle portait une jupe… Il y aurait des choix de vie masochistes par exemple, et cela justifierait que la personne soit agressée !

Enfin, j’ai entendu que des régressions étaient filmées et mises sur Youtube. C’est exactement pareil que de filmer une séance de thérapie. C’est intime. L’intime doit être respecté. Peut-on parler de consentement de la personne lorsqu’elle est sous l’emprise d’un gourou thérapeute ? Je ne pense pas.

 

Alors, comment faire ? Est-ce que l’on doit s’interdire d’aller explorer différents champs, de faire des régressions etc. ?

Il serait dommage de s’interdire d’aller explorer différents champs si on le souhaite, au prétexte qu’il existe des dangers.

Néanmoins, il faut être conscient de l’ampleur des dangers existants, ne pas les nier ni les minimiser, et se préparer en conséquence.

Quelques pistes :

 

  • s’informer sur la manipulation

 

  • conserver son esprit critique

 

  • se mettre en introspection

Pourquoi avoir choisi lui/elle plutôt qu’un autre ? Le choix inconscient du thérapeute n’est pas inconscient. On peut le/la choisir car on sent qu’il saura entendre ses propres souffrances, mais on peut aussi le/la choisir car il ressemble à une figure bien connue. Par exemple il n’est pas rare que des patients abusés dans l’enfance choisissent en première instance des thérapeutes abuseurs…

 

  • observer le respect du cadre

Le cadre thérapeutique est-il stable ou fluctuant ? Est-il clairement annoncé au départ ?

 

  • préférer la croissance humble, prudente et pleine de bon sens à l’attrait magique d’une plante qui pousserait toute seule en 5 minutes

 

  • se fier à son intuition dès que l’on sent que « quelque chose n’est pas clair »

 

Conclusion

En conclusion, il paraît nécessaire de rappeler à nous cette vertu aristotélicienne qui est celle des chefs et des maîtres : la prudence. Prudence dans le choix du thérapeute, prudence dans le choix de la thérapie, prudence dans ses attentes.

La psychothérapie, ou chemin de l’âme, est avant tout une initiation dans la connaissance de soi. Rappelons que, d’après Socrate, le bien et le mal existe et « que tout ce qui perd l’être et le détruit, c’est là le mal, que ce qui le conserve et le conforte, c’est là le bien » (Platon, République, Livre X, 608d).

En outre, « dans toutes les incarnations, l’homme qui a mené une vie juste reçoit un meilleur lot, et un lot moins bon dans le cas contraire » (Platon, Le Phèdre). Alors, si les vies antérieures existent et la réincarnation aussi, ce n’est pas pour aller faire du tourisme spirituel, mais pour perfectionner son âme qui, jadis, a contemplé les beautés célestes et les vérités éternelles (idem).

Toute souffrance est, en ce sens, l’occasion de grandir, de rencontrer son ombre et de franchir une nouvelle épreuve. Seule l’introspection et l’examen de conscience approfondis permettent d’emprunter ce chemin d’initiation.

 

Ariane BILHERAN, Normalienne, Psychologue Clinicienne, Docteure en psychopathologie, Ecrivain

 

Bibliographie indicative

Bilheran, A. 2013. Manipulation. La repérer, s’en protéger, Paris, Armand Colin.